Vacciner un panda roux - pv Calypso L.

Eric avait passé la nuit sur le canapé du salon. Il n’avait pas voulu réveiller Lauryn quand il était rentré de son astreinte, à une heure assez tardive pour ne pas dire matinale. Il n’avait dormi que quelques heures, et très mal en plus, car malgré la qualité supérieure – et le prix carrément excessif – de son sofa, ce n’était pas aussi confortable qu’une bonne literie. Eric devait se rendre à l’évidence, il n’avait plus 20 ans. Si son âge ne lui avait pas posé de souci jusque-là, même quand il était devenu père à 43 ans et que son frère lui avait dit qu’il serait un vieux papa. Mais là, avec le mal de dos qu’il se payait au réveil, il ne put s’empêcher de pester après le temps qui passait et qui n’épargnait pas sa vieille carcasse. Si seulement il prenait un peu de temps libre pour aller s’entretenir le corps dans une bonne vieille salle de sport, il pourrait alors renforcer sa ceinture abdominale, faire concurrence à William et s’éviter de telles lombalgies.
Dernier parti, premier arrivé à la clinique, Eric regarda son emploi du temps. Au zoo, rien n’était prévisible, mais son assistante lui tenait quand même à jour un journal des tâches prioritaires à accomplir. Aujourd’hui, il vit qu’il fallait vacciner une demi-douzaine de jeunes pandas roux, nés récemment au zoo et qui allaient être réintroduits dans leur enclos pour évoluer au milieu de leurs semblables. D’ordinaire, ce genre d’actes pouvait largement être exécuté par un assistant ou même un soigneur. Mais il se positionna sur la tâche et envoya son assistant sur une opération bénigne d’un chinchilla qui s’était fait grignoter la queue par un congénère. Il le rejoindrait plus tard si possible.
Pour l’heure, il avait rendez-vous avec six bébés pandas roux et Calypso Lawrence. Il lui avait proposé la veille de se joindre à lui pour la vaccination des animaux car il savait que le panda roux était l’animal préféré de la jeune fille. Depuis son arrivée dans le parc animalier, Eric avait rapidement sympathisé avec la jeune femme qui aurait presque pu être sa fille, s’il avait flirté avec des filles à l’époque de sa fin d’adolescence. Mais ce n’était pas le cas, il était bien trop passionné par la migration des oies sauvages ou par l’étude du cerveau des tortues, pour penser aux filles à cet âge-là. Calypso lui rappelait un peu sa femme, au moment de leur rencontre, passionnée et pleine de bonne volonté. C’était d’ailleurs un peu ce qu’il reprochait inconsciemment à Lauryn, de ne plus se donner autant à leur passion de la cause animal. Depuis qu’elle était devenue mère, elle semblait avoir d’autres priorités. Au moins, avec Calypso, il pouvait se réjouir de petites joies aussi simples que la vaccination de jeunes pandas.

- Toujours ponctuelle, Miss Lauwrence ! lança Eric sans même lever le nez de son ordinateur quand Calypso passa la porte de son bureau. Tout en terminant de boire sa tasse de café, il referma sa messagerie, la paperasse attendra … et il se dirigea vers Calypso. Prête à affronter les monstres ? plaisanta-t-il avec un sourire au coin des lèvres. Tiens, attrape les gants et rejoins-moi en salle de soins n° 3. Si tu es sage, tu pourras même leur donner leur dernier biberon !

Il s’était adressé à elle comme il l’aurait fait avec Thelma, sa fille de deux ans. Cette pensée le fit rire intérieurement. Il quitta son bureau et entra dans la salle de soins. Tout en enfilant sa blouse, il s’approcha des box où les bébés pandas roux l’attendaient. Dans quelques heures, si tout se passait bien, il pourrait les voir évoluer aux côtés des autres membres de leur espèce.

Aujourd’hui était une journée particulière pour Calypso, qui se dirigeait vers les coulisses d’un pas décidé, bien qu’animé d’un brin d’excitation. La fatigue cumulée des derniers jours n’avait pas réussi à entamer sa bonne humeur et son entrain, et cela par la seule force de sa passion et d’une entrevue prochaine avec de petits bébés panda. C’était ce genre d’instants rare et précieux qui ravivait sans cesse la flamme chez la blondinette pour ces animaux et ce zoo. Elle avait la chance de s’en occuper et cette fois-ci Eric lui avait proposé de l’assister pour une série de vaccinations. Inutile donc de préciser qu’elle avait accepté sans hésiter un seul instant, ravie de pouvoir partager un moment avec ces petits avant leur entrée dans leur futur enclos. Ils étaient précisément 4, issus d’une portée conséquentes, qui faisait la fierté de l’établissement. Malheureusement pour eux, la mère avait eu du mal à s’en occuper les premiers jours, ne développant pas suffisamment la fibre maternelle espérée pour laisser les bébés auprès d’elle en continue. Par sécurité, ils avaient été placés à la nurserie, où Calypso leur rendait fréquemment visite et les dorlotait. Cette fois-ci, ça n’allait pas forcément être une partie de plaisir pour eux, mais c’était un passage obligatoire et nécessaire pour leur évolution. Ils devaient intégrer l’enclos au plus vite pour s’assurer qu’ils soient tous socialisés et aptes à s’intégrer à un groupe car tôt ou tard, ils seraient sûrement amené à quitter ce zoo pour de nouveaux horizons. Calypso n’aimait pas les transferts… Mais elle gardait toujours à l’esprit qu’il s’agissait là d’un moyen de sauvegarder l’espèce et d’éviter les reproductions incestueuses dangereuses. Et puis, elle avait sa propre vision d’un départ, voyant dans ces échanges une manière de représenter les couleurs de Tampa. En quittant le zoo, ces animaux faisaient aussi sa fierté, car ils étaient dociles, agréables, et tout simplement splendides.

« Bonjour, bonjour ! » -venait-elle de lancer en ouvrant la porte des bureaux vétérinaires, sans même savoir s’il y avait quelqu’un de présent. En posant son regard sur Eric, un sourire étira ses fines lèvres rosées. En effet, elle était ponctuelle ! Et elle aimait qu’Eric ait cette vision d’elle, quand pour d’autres elle était celle qui arrivait de temps à autre en retard le matin, encore coiffée par son oreiller et avec un café à la noisette en main, acheté en bas de chez elle ! Lui, avait encore cette lisse image de la soigneuse ponctuelle et appliquée qu’elle était. Car oui, elle restait professionnelle en tout temps, investie comme jamais. Si elle arrivait en retard, elle s’ajoutait pour la peine deux heures supplémentaires le soir ! « Toujours prête ! » Avant de s’emparer des fameux gants, elle ramena ses cheveux courts en arrière et les attacha tant bien que mal. Elle savait que ça allait être du sport et qu’avec le visage dégagé ça serait peut-être un peu plus simple… Quoique ! Ces bébés pandas avaient être régulièrement en contact avec les hommes, leurs réactions restaient naturelles et singulières. Lorsqu’ils se sentaient en danger, ils poussaient de petits cris aigus pour appeler leur mère. Évidemment, ils cherchaient aussi à se débattre et échapper aux soigneurs…! Équipée de ses gants, Calypso ne comptait pas les laisser filer. Elle entra dans la salle de soins n°3 et chercha tout de suite du regard ses petits champions. Ce qu’ils étaient beaux ses bébés ! Pour rien au monde elle ne regrettait son poste sur le secteur herbivores, juste pour leurs petites bouilles.

Eric sourit face à l'enthousiasme de Calypso. C'était toujours plus agréable de travailler avec des personnes motivées, passionnées et volontaires. Malheureusement, il y avait eu parfois quelques erreurs de castings au sein de ce zoo et Eric s'était d'ailleurs à chaque fois énormément fâché avec le responsable du recrutement. Eric était quelqu'un de très exigeant et il ne supportait pas d'avoir à travailler avec une personne qui n'était pas à la hauteur. Une hauteur qu'il définissait lui-même, à savoir très haute. Peu de personne arrivaient à obtenir l'estime d'Eric, que ce soit en tant que professionnel qu'en tant qu'ami. En fait, en tant qu'être humain tout court.
Par contre, quand il estimait quelqu'un, c'était sincère et pour la vie. Calypso avait réussit à entrer dans le cercle très fermé des protégés et des personnes respectées du Dr Osborn. Il ouvrit le tiroir qui se trouvait devant lui et sortit 6 kits de vaccination. Il vérifia la composition du vaccin et expliqua à Calypso pourquoi il faisait ce vaccin et pas un autre, quels étaient les avantages. Il savait que l'ambition de cette dernière n'était pas de devenir vétérinaire mais il partait du principe qu'il expliquait toujours son travail aux personnes avec qui il évoluait. Il expliquait également toujours à ses petits protégés ce qu'il faisait et pourquoi il le faisait.

- Tu vois, je vais remplir cette seringue de ce petit produit là, à,5 mL, et te piquer l'arrière train avec. ça va sûrement un peu piquer au début mais en moins de 4 secondes tu ne sentiras plus rien.

Bien entendu, il ne s'adressait pas à Calypso. Il ne lui viendrait pas à l'idée de lui insérer une piqûre dans l'arrière train, aussi ferme et sexy qu'il soit ! Il avait déjà attrapé un des six bébés pandas et il le caressait avec douceur. Délicatement, il lui pinça la peau et piqua d'un coup sec. Le panda eu à peine le temps de se débattre que l'acte était déjà terminé. Il le caressa à nouveau puis le reposa dans son box. Il tendit alors un autre kit de vaccination à Calypso et lui dit :

- A ton tour de jouer à l'infirmière ! Tu piques bien ici.

Tout en lui montrant la localisation du point d'impact, il se mit à rire en pensant à l'absurdité de la scène. Il stoppa net son geste et observa méticuleusement Calypso administrer le vaccin. Ce qui était sûr, c'est qu'avec une douceur pareille, tout le monde aimerait passer entre les mains de la jolie soigneuse pour être vaccinée. Tout être vivant ... humains compris !
La séance de vaccination dura en tout et pour tout une quinzaine de minutes. Eric n'avait, en effet, absolument pas besoin d'être présent pour ce genre d'acte mais il ne perdait jamais une occasion d'apprendre des choses à sa petite protégée.
Une fois tous les pandas roux vaccinés, il se dirigea vers le frigo, l'ouvrit et en sorti une caisse remplie de 6 petits biberons. Il en fourra un dans la gueule du premier panda qu'il attrapa et invita Calypso à en faire de même.

- Ca me rappelle quand Thelma était petite. Elle était une vraie gloutonne ! Ma femme me laissait toujours un biberon à lui donner, en plus de l'allaitement ... Tu sais ... pour créer le ... le lien quoi !

Il regarda avec tendresse le petit animal qui se blottissait contre lui pour téter de façon avide son dernier biberon. Dans quelques heures, il serait au beau milieu d'un enclos, entouré d'autres pandas roux auprès desquels il devra se faire une place !